RELÈVE RECHERCHÉE : LE MODÈLE LÉO

Il est d’actualité dans les différents forums de discussion d’échecs, autant dans les milieux anglophone que francophone, de s’interroger sur les multiples raisons qui ont entraîné un certain déclin de popularité du jeu d’échecs depuis deux décennies dans beaucoup de clubs et ce, partout au pays.

On tente de trouver les principaux acteurs coupables d’une telle situation. On blâme un peu tout le monde : du gouvernement fédéral canadien qui, contrairement aux autres pays influents, n’accorde pas une place importante au noble jeu; des gouvernements provinciaux qui n’ont pas encore intégré et développé l’enseignement du jeu d’échecs dans les milieux scolaires; les villes pour ne pas appuyer sérieusement les initiatives pour inclure le jeu d’échecs dans leurs programmes de culture et de loisirs; les fédérations qui n’en font pas assez pour mieux se faire connaître; les ligues et les clubs pour ne pas s’occuper suffisamment des jeunes et même les joueurs d’échecs de seulement se contenter de jouer (souvent en ligne) au lieu de former quelques nouveaux joueurs parmi les leurs.

Nous avons pourtant connu une période fructueuse dans les années 80 surtout grâce à l’impact post­ Fischer qui a contribué à la naissance de nombreux clubs et son effet multiplicateur s’est fait sentir jusqu’à l’arrivée de l’ère des deux K. Par la suite, tout cet engouement échiquéen s’est brusquement terminé par le match de Kasparov versus Deep Blue qui est l’élément marquant d’une nouvelle ère. L’arrivée d’Internet a tout chambardé et plusieurs joueurs ont préféré jouer en ligne et les clubs se sont vidés tranquillement et d’autres ont tout simplement fermé leurs portes. Les statistiques ne trompent pas et le nombre de membres des fédérations a chuté graduellement. Par exemple, la Fédération canadienne a perdu plus de 1000 membres et certains clubs sont devenus  »des clubs de pépères » selon les quelques rares nouveaux joueurs. Malgré les beaux efforts de l’association Échecs et Maths, les jeunes joueurs ne sont pas au rendez­-vous lors des tournois réguliers des clubs et des importantes compétitions de fin de semaine.

Nous aussi, la Ligue d’échecs de l’Outaouais (LÉO) avons dû subir les affres de cet Ebola échiquéen depuis le début du nouveau millénaire. Un seul club (Cercle d’échecs de Hull) résistait tant bien que mal : on y offrait des tournois intéressants, mais il n’y avait plus qu’une petite poignée de joueurs qui fréquentaient les lieux, désabusés et même résignés devant cette malencontreuse stagnation.

On peut dire que de notre côté nous avons pris le taureau par les cornes en 2011 et renversé de façon drastique cet état de somnolence et de nonchalance qui engourdissait et paralysait les efforts des organisateurs de notre région, en prise à un désarroi contagieux en face de cette perfide épidémie. La nouvelle équipe dirigeante de la LÉO a su détecter les anomalies apparentes, administrer l’antidote nécessaire pour revitaliser son organisme et apporter ce salvateur baume de fraîcheur.

Il fallait d’abord avoir un bon plan axé sur la jeunesse afin qu’elle puisse avoir la chance d’apprendre à jouer aux échecs et ainsi nous assurer d’une belle relève pour longtemps. C’est la raison pour laquelle nous avons ouvert un premier club de développement en juin, soit le Club d’échecs de Gatineau. Il est important que ce genre de club soit ouvert seulement les vendredis soir, les samedis ou les dimanches. Ainsi, les jeunes sont en congé scolaire et plus susceptibles d’être présents à nos activités. De plus, nous avons créé un programme d’enseignement d’échecs appelé Proféchecs LÉO afin d’assurer un apprentissage échiquéen adéquat pour former une nouvelle génération de joueurs. Ces entraîneurs sont invités à suivre les formations données par la FQE et cette initiative donne de la crédibilité à notre ligue et nous permet d’introduire petit à petit notre enseignement dans les écoles. De plus, nous participons à toutes sortes d’activités en plein­ air ; cela nous permet d’être de plus en plus connu. Nous nous devons d’aller là où sont les jeunes, les intéresser à nos activités et leur offrir les outils nécessaires pour s’améliorer.

Nous avons continué sur cette voie et ouvert en 2012 un deuxième club d’apprentissage (CEA) les vendredis soir dans le secteur Aylmer de Gatineau, puis un autre cette année, le Club d’échecs Caïssa (CEC) ouvert les samedis après­-midi dans le secteur Pointe­ Gatineau et projetons d’en ouvrir un quatrième dans le secteur de Buckingham (CEB) d’ici la fin de l’année.

Tous ces clubs offrent un volet enseignement et ensuite, ces joueurs novices ont la chance de participer à leurs premiers tournois qui sont de type semi-­rapide. Ces compétitions leurs permettent d’avoir une évaluation de leur force grâce à la précieuse cote, d’adhérer à la Fédération québécoise des échecs et de recevoir la revue Échec+. Cet encadrement les encourage à continuer de vouloir s’améliorer et ils ont beaucoup de plaisir à compétitionner. Tout cela entraîne une valorisation du jeu d’échecs par les jeunes eux-mêmes.

Au pire de cette crise, nous n’étions plus que 37 joueurs dont seulement 3 jeunes âgés de moins de 15 ans. Aujourd’hui, nous sommes 157 joueurs membres en règle, répartis dans cinq clubs dans les différents secteurs de notre ville et plus de la moitié sont des jeunes de 5 à 15 ans. Tout un contraste et signe avant-coureur d’une ligue d’échecs en santé dotée, grâce à sa solide relève, d’un beau futur très prometteur !

Le plus important, c’est d’avoir du monde intéressé à la promotion du jeu d’échecs chez eux. Il y a de très nombreux joueurs d’échecs baby boomer qui prennent leur retraite et plusieurs d’entre eux auront maintenant du temps pour s’occuper d’une telle initiative. Et il faut aussi laisser de la place aux jeunes pour les initier et les aider dans l’organisation d’un club d’échecs. Peut-être voudront-ils devenir arbitre un jour et même, sait-on jamais, entraîneur ou organisateur ?

Bien s’entourer de gens compétents et avoir un bon plan axé sur la jeunesse, c’est simple comme bonjour ! Et comme par magie, les clubs d’échecs existants se rempliront de nouveau, d’autres naîtront et le plaisir de toutes les générations sera assuré lors de vos futures compétitions.

Quatre ou cinq ans, c’est tout ce que ça prend!

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