PAS LE TEMPS DE PRENDRE UN BYE
AU VIEUX MARCHÉ BY
Il y a toujours, chaque année, plusieurs millions de touristes venus de tous les continents, dont majoritairement des Américains favorisés par la proximité de la frontière et privilégiés par le taux de change, qui viennent y passer quelques jours. L’importance historique de cette glorieuse fête et les favorables facteurs économiques actuels contribuent à une forte hausse de l’achalandage cet été. S’il s’agit d’un premier voyage à Ottawa, la plupart d’entre eux se rendent tout d’abord sur la Colline Parlementaire et découvrent pendant deux à trois heures les beautés architecturales de notre Parlement, l’ampleur intérieure des lieux, dont la Chambre des Communes et apprennent à mieux connaître les péripéties de cette fabuleuse et enviée histoire démocratique qui fait de nous un pays libre et prospère depuis 1867.
Une fois cette presque protocolaire, incontournable, distinguée et temporelle visite canadienne terminée, les plus jeunes sont bien contents de quitter cet emplacement. Je pourrais même dire de déguerpir de là ou de sacrer leur camp ailleurs pour aller enfin se rassasier et s’amuser quelque peu. Ils commençaient à vraiment s’ennuyer et à trouver le temps pas mal long ! Tout à fait le contraire chez leurs parents ou tuteurs encore fraîchement enivrés par les impressionnants monuments, les colorées, mais sobres lumineuses fresques et l’allure solennelle, grandiose et majestueuse des lieux. Heureusement pour tous ces gens, ils peuvent ensuite se rendre à pied en quelques minutes de là au Vieux Marché By de la Basse-Ville d’Ottawa. Plaisante petite escapade qui les fait tous revenir dans le temps présent en leur redonnant, chemin faisant, leur plus beau sourire !
Le Marché By existe depuis 1827 et a toujours été le cœur économique du centre-ville d’Ottawa. Il a bien grandi en beauté et en espace au fil du temps et a su s’ajuster en affrontant de nombreux défis pour survivre dans une ville en pleine expansion tous azimuts. Il a surtout réussi à protéger et à garder sa vocation première, soit celle d’offrir en plein air, début printemps fin automne, plein de beaux présentoirs de produits frais ; ce qui a grandement contribué à maintenir sa popularité et explique son continuel succès. Les fermiers des environs, les producteurs spécialisés et les maraîchers locaux se sont succédé en générations et sont toujours bien présents ; il est plaisant de les rencontrer et d’apprendre à les connaître en jasant quelque peu avec eux, souvent en français, tout en faisant ses petites courses.
Aujourd’hui, pour satisfaire une clientèle toujours plus sophistiquée et nombreuse, on y retrouve plus de boutiques spécialisées en alimentation: boulangerie, pâtisserie, chocolaterie, bonbonnerie, charcuterie, fromagerie, etc. Il y a aussi des magasins de toutes sortes : parfumerie, lingerie, antiquités, meubles, de l’artisanat et même, pour améliorer l’ambiance des lieux, on peut entendre la sonorité de musiciens talentueux à plusieurs coins de rue, rencontrer des artistes-peintres et sculpteurs en pleine création et être témoin des spectacles d’hétéroclites amuseurs publics un peu partout. Les nombreux cafés et restaurants sont souvent bondés et on peut dire que les commerçants du Vieux Marché By y brassent de bonnes affaires à longueur d’année.
Je suis né en 1950 sur l’Île de Hull, et adolescent dans les années 60, je traversais à l’occasion le Pont Alexandra, qu’on appelait alors communément le Pont Interprovincial. J’allais parfois par un beau samedi ensoleillé voir un film au Cinéma Français de la rue Rideau et la projection débutait autour de 13 h. Je sortais par la suite du cinéma pour me rendre de l’autre côté de la rue faire quelques menus achats au Woolworth, un magasin à petit prix que nous appelions le magasin 5,10,15 cents, l’ancêtre des Dollorama d’aujourd’hui. Puis juste à côté chez Freimans, je ne pouvais résister d’aller déguster mon breuvage préféré, un délicieux et glacé lait malté, servi dans un vrai verre en verre chaud ! Miam ! Le goût me revient ! Je terminais mon aventure ottavienne en passant par le Marché By. J’aimais bien cet endroit rempli de vie pour ses vitrines alléchantes, ses beaux étalages bien ordonnés, la cordialité des marchands et ses toujours présentes, exotiques et douces odeurs qui y flottillent et vous chatouillent gentiment le nez. On y respirait du bon air frais tout en reniflant différents parfums très agréables, toujours fins et souvent fruités. On se sentait heureux d’être là dans ce décor champêtre aux allures d’antan, un peu folklorique où fourmillaient des gens de différentes ethnies, avenants, un peu pressés et les bras remplis de victuailles. J’en profitais pour me sélectionner un beau fruit, soit une grosse orange, une savoureuse poire d’Anjou ou Bosc ou encore, en saison, une pêche bien juteuse, gros format, de la région du Niagara. Dernier arrêt fréquent lors de ces gourmandes visites, s’il me restait un peu d’argent de poche, il y avait sur mon chemin une Pâtisserie Française bien établie qui m’attirait tout le temps. Une irrésistible religieuse ou un appétissant éclair au chocolat m’y attendait. Je rapportais fièrement ce petit trésor éphémère à la maison. J’y étais de retour vers 16 h, un peu fatigué de ma journée, mais exalté par ma belle excursion l’autre bord du pont.
Revenons à nos moutons et suivons nos valeureux piétons en route vers ce fameux Vieux Marché By. Ils viennent de descendre du Parlement la rue Wellington, ont contourné à gauche sur la rue Sussex le Château Laurier et arrivent sur la rue York à quelques coins de rue de leur animée destination. Surprise ! Un bel emplacement appelé ‘’Village de l’Inspiration’’ vient d’y être érigé tout récemment et ce surprenant quadrilatère devient en quelque sorte la nouvelle porte d’entrée du marché. Le but est de mieux renseigner ces milliers de vacanciers (ils sont plus de 60,000 à y fouler les pieds chaque semaine) de ce que le Canada d’aujourd’hui a à leur offrir de mieux sur son vaste territoire. Une vingtaine de colorés pavillons de toutes les provinces y sont aménagés et on peut relaxer et prendre le temps de les visiter selon notre intérêt. Bien animé, chacun d’entre eux offre l’information pertinente qui lui est propre pour connaître les plaisantes activités qu’on peut aller y faire et les endroits particuliers à découvrir. De quoi être tenté, par exemple, de planifier un voyage de ski alpin en Colombie-Britannique à Whistler, d’aller voir en avion des ours polaires dans le Grand Nord du Manitoba, de pêcher le saumon dans le Grand Lac Ontario, d’embarquer au Québec à Tadoussac dans un bateau observer les toujours élégantes, impressionnantes et continuelles plongées des baleines dans le fleuve Saint-Laurent ou encore simplement de déguster du homard fraîchement pêché au Nouveau-Brunswick.
Il y a même en arrivant à ce Village une belle plate-forme servant de miniscène multiculturelle et une estrade pouvant contenir jusqu’à 150 spectateurs pour les trois spectacles quotidiens (13 h, 16 h, 19 h), sept jours sur sept, de jeunes troupes de danses folkloriques et traditionnelles, de concerts de musique allant du classique au rock en passant par le rap, de prestations de magiciens ou de surprenants exploits acrobatiques. C’est là que le samedi après-midi 8 juillet se dressait le lion LÉO de la Ligue d’Échecs de l’Outaouais bien visible à l’entrée sur notre paraposte.
L’incroyable popularité du jeu d’échecs aux Jeux de la francophonie canadienne 2014 à Gatineau, jumelé à notre encadrement très professionnel, est encore fraîchement vivante dans la mémoire de bien des gens, surtout ceux impliqués dans l’organisation de différents événements culturels dans la région. L’écho de ce beau succès est parvenu jusqu’aux oreilles du comité organisateur de ces Fêtes du 150e et on nous a invité pour une journée ‘’beat the pros’’. Il s’agit de permettre à des amateurs d’échecs de se divertir, d’affronter des joueurs aguerris, de tenter de les battre et de vivre par ce challenge une expérience enrichissante sur l’échiquier durant leur visite au Village de l’Inspiration.
Un trio LÉO composé de l’expérimenté Valori Éthier, du champion Cadet LÉO 2015 Nicolas Dupont-Mageau et de votre ex-président arrive sur les lieux vers 11 h, prêt à faire face à la musique. Le temps de vider nos deux véhicules, d’inspecter les lieux et de placer tout notre attirail : il est déjà midi.
Y fait pas mal chaud, c’est collant, très humide et le mercure oscille autour des 30 degrés Celsius : journée typique de juillet à Ottawa. L’endroit est magnifique. Il y a des tables en quantité suffisante, adéquates et neuves, des chaises confortables, même des bancs pour se reposer ou flâner. Nous avons suffisamment d’espace pour nos 22 jeux réglementaires de tournois et 2 autres de plus gros format, beaucoup plus amusant pour les enfants. Il y a déjà beaucoup de monde et à mesure que nous installons des jeux, nous trouvons preneurs et des parties commencent. C’est un vrai envahissement échiquéen ! Pour les simultanées, mes reliques, mais toujours pratiques table-valises font l’affaire pour une dizaine de parties à la fois. Nicolas est le premier à s’exécuter. Les résultats finaux de ces compétitions ne sont pas ce qu’il y a de plus important. Nous n’avons pas comptabilisé de façon précise le nombre de parties jouées, mais sachez que nous les avons toutes gagnées ! Quelques-unes s’enlignaient vers un résultat de nulles et même de pertes, mais l’expérience des ‘’pros’’ en finale nous a permis de garder cette fiche intacte et immaculée. OK, on peut évaluer à plus d’une trentaine de gains notre performance.
Durant tout l’après-midi, l’incessant va-et-vient de curieux ne cesse d’affluer. Plusieurs d’entre eux sont de vrais amateurs qui viennent jouer quelques parties en famille ou entre amis. J’en ai profité pour distribuer une centaine de ‘’Passeport des Échecs’’ de la FCE, dépliant bilingue des règles officielles à respecter lors d’une partie. J’avais aussi étalé sur une table la dernière édition papier de la revue Chess Canada de 2006, un beau cadeau-souvenir qui a plu énormément et les 250 copies se sont volatilisées comme par enchantement. Enfin, pour les gens de la région, je leur remettais notre calendrier LÉO 2016-2017 et je les informais des activités des différents clubs d’échecs autant en Outaouais que du côté ontarien au RA Chess Club.
Habituellement, les touristes qui fréquentent le Village de l’Inspiration ne font qu’une courte visite d’environ 30 minutes et disparaissent à tout jamais. Nos échiquiers ont su les garder plus longtemps sur place et les retenir pendant plusieurs heures, même certains durant tout l’après-midi. Nous n’avons eu aucun répit sauf, pour moi, un petit quinze minutes de détente où j’ai pu me fondre dans la foule et aller visiter quelques kiosques qui m’intéressaient.
Tout comme mes deux partenaires, j’ai joué de nombreuses parties, expliqué les règles comme la méconnue prise en passant et exécuté les deux roques à plusieurs novices. Je leur ai aussi montré quelques ouvertures populaires comme la partie Espagnole ou l’Italienne et j’ai ainsi rencontré et croisé des centaines de passionnés du noble jeu, ravis d’en connaître encore plus. Il n’y a aucun doute que le jeu d’échecs est en pleine effervescence, partout dans tous les coins du globe !
J’aimerais remercier Madame Marie-Pier Lauzon de l’Agence Orchestra de nous avoir invité dans ce site enchanteur de même que Madame Frédérique Bédard pour son soutien technique qui a grandement facilité notre animation. Gros merci à Valori Éthier et Nicolas Dupont-Mageau pour leur efficace présence. Félicitations à Celebrations Ottawa Inc. pour l’excellent et fastidieux travail accompli en tant que Comité Organisateur des Fêtes du 150e Anniversaire du Canada dans la Capitale Fédérale.
C’était notre façon de fêter le 150e anniversaire du Canada !
BONNE FÊTE CANADA !
Marcel Laurin,
Officier de la Ligue d’Échecs de l’Outaouais
Photos : M. Laurin.