LA FULGURANTE ASCENSION AU SOMMET DU JEUNE CHAMPION LÉO 2019 DE 16 ANS, SÉBASTIEN AZAR
On ne l’a pas vu venir de nulle part celui-là et on ne comprend pas encore comment un si jeune joueur a pu, dès son arrivée, connaître autant de succès si rapidement jusqu’à devenir le nouveau champion en titre de l’Outaouais.
Quelle est sa recette magique ?
La plupart des nouveaux arrivants, jeunes ou plus âgés, doivent franchir les étapes, une à une, avant de hausser leur calibre de jeu autour des niveaux A ou B afin de pouvoir sérieusement compétitionner avec les meilleurs joueurs de l’Outaouais au Cercle d’Échecs de Hull. C’est normalement un processus de longue haleine qui peut prendre plusieurs années et, malheureusement, plusieurs d’entre eux n’y parviendront jamais.
Je connais bien Sébastien et je l’ai côtoyé tous les lundis lors de ses cinq années de Secondaire au collège St-Alexandre de la Gatineau où j’y anime l’activité échecs.
Mon rôle à cet endroit consiste à promouvoir les échecs et de former de nouveaux joueurs en leur apprenant adéquatement les règles du jeu et les éléments de base. Plusieurs de ces jeunes deviennent de vrais passionnés des 64 cases et vont progresser rapidement s’ils sont disciplinés et à l’écoute de mes conseils. Je leur porte une attention toute particulière ! Je les renseigne à propos des principes théoriques concernant les trois phases du jeu, les fais jouer avec des chronomètres, leur montre la notation des coups et le comportement exemplaire à avoir lors d’une partie.
En d’autres mots, j’en fais des vrais joueurs d’échecs bien outillés, susceptibles de fréquenter des clubs d’échecs, d’y avoir un bon début ou du moins un peu de succès pour ne pas trop se décourager des inévitables et douloureuses premières défaites.
Je tiens à souligner que j’utilise le même processus dans toutes les écoles primaires que je fréquente. Je fais découvrir à des centaines de jeunes, chaque année et avec un immense plaisir, la magie du jeu d’échecs et je peux vous dire qu’ils aiment ça, tout comme moi, en titi ce jeu-là ! Je m’attends à un gros déversement (je ne parle pas d’inondation de printemps) de style tsunami échiquéen bientôt par chez nous dans les années à venir et pour longtemps !
Aux vétérans joueurs d’échecs de tout l’Outaouais, vous êtes maintenant avertis de l’arrivée de cette nouvelle vague, soyez donc bien préparés; je vous conseille de mettre un bon gilet de sauvetage à votre Roi pour bien le protéger !
Malheureusement, chaque année partout au Québec, c’est au compte-goutte que l’on dénombre les nouveaux jeunes joueurs qui arrivent pour la première fois dans les tournois et qui y resteront. Ils sont très enthousiastes au début, puis la réalité les frappe, les résultats escomptés ne sont pas là, certains se découragent trop rapidement et disparaissent à tout jamais.
C’est le même phénomène en Outaouais et pour éviter cela à notre relève, mon devoir consiste à les voir arriver très bien préparés. Nonobstant la théorie, cela veut dire aussi de pouvoir s’acclimater peu à peu à ce nouvel environnement et de jouer dans beaucoup de tournois. Finalement leur faire comprendre, malgré leur jeune âge, qu’on doit s’attendre à de nombreuses défaites et de ne pas s’en faire avec cela. C’est aussi en perdant qu’on apprend ! Peu importe les résultats, on va s’améliorer avec le temps ! Et surtout de ne jamais lâcher !
Issu de ce groupe prospect St-Alex, Sébastien Azar est un joyau du nouvel alliage talent-travail-technologie de sa génération, en émergence au CEH et qui explique en partie son départ-canon !
J’ai eu la chance de l’interviewer début juillet à ce propos pour mieux comprendre son parcours jusqu’au titre, savoir ce qu’il a fait de particulier pour s’améliorer si vite et ce qu’il envisage de faire pour encore progresser.
Cette entrevue nous permet de le démystifier et le fait mieux connaître sous ses vrais traits. Mais, je tiens à dire que Sébastien est un jeune homme posé, un peu timide et peu volubile. Il est humble et d’une belle franchise, pèse bien ses mots, répond à toutes les questions, mais pas plus ! Le connaissant assez bien, je me permets d’ajouter après chacune de ses réponses à mes questions un court commentaire qui lui sied. Il s’agit en fait d’un simple complément pour pallier un manque d’information important à mes yeux à propos de notre jeune champion pour le bénéfice des curieux lecteurs de Matoutaouais.
QUESTION 1
Qui t’a appris à jouer aux échecs et quel âge avais-tu ?
RÉPONSE
Mon père m’a montré les règles du jeu lorsque j’avais 5 ans. Il n’était pas du calibre des joueurs de compétition mais nous avions beaucoup de plaisir à jouer ensemble occasionnellement à la maison sous le regard approbateur de ma mère. Ensuite, ce fut beaucoup votre présence au collège St-Alex qui m’a donné la vraie piqûre !
COMMENTAIRE
Il est important pour tout jeune joueur d’échecs d’avoir le support de ses parents. Simplement l’accompagner à la découverte de ce mystérieux et complexe divertissement le sécurise, attise sa curiosité et lui donne le goût de mieux comprendre l’essence du jeu.
Par un juste calcul, les accessibles réponses à une position donnée permet de trouver des solutions plausibles qui apparaissent parfois obligatoires, d’autres fois peut être nécessaires, mais au moins satisfaisantes (selon notre niveau). C’est déjà un chemin factuel qui conduira inévitablement, coup après coup, vers une nécessaire conception, voire une quelconque maîtrise, qui se développe peu à peu vers notre meilleure façon de jouer. C’est vraiment la manière idéale de débuter et Sébastien est privilégié d’avoir des parents de cet acabit pour l’aider.
J’ai rencontré quelques fois papa Jean qui accompagnait Sébastien dans différentes Fêtes de quartier à Gatineau ou événements comme la St-Jean et Les Merveilles de Sable lors des dernières années. La LÉO profite de ces événements durant l’été pour se faire connaître et ce sympathique monsieur y passait de beaux après-midis tout en assurant le transport de fiston. J’ai aussi reçu de maman Rita des courriels de félicitations pour les succès autant des joueurs d’échecs du collège St-Alex que ceux de son fils. Je l’en remercie! Elle connaît bien les réels bénéfices intellectuels reliés à l’apprentissage du jeu d’échecs et encourage son enseignement dans le milieu scolaire.
QUESTION 2
Quelles sont maintenant tes ambitions de joueur d’échecs de compétition ?
RÉPONSE
J’y vais un niveau à la fois, donc je vise celui d’Expert comme prochaine étape. Si je n’y arrive pas, ce n’est pas grave car j’aurai essayé. Le plus important pour moi, actuellement, est la réussite de mes études en science et je compte aller à l’université un jour.
COMMENTAIRE
Sébastien a actuellement une cote FQE de 1906 en seulement 32 parties jouées. Compte tenu de son âge, il devrait continuer de progresser allègrement vers le niveau Expert d’ici quelques tournois. Mais il peut être freiné par le temps alloué à ses études (ça va de soi) et par le système Élo qui ne pardonne pas les imprévues défaites ou parties nulles contre des joueurs plus bas cotés. Résultat, la punition est sévère par un retranchement allant jusqu’à 30 points à sa belle haute cote pour une seule partie perdue contre ces joueurs. Il ne faudrait surtout pas avoir une mauvaise séquence qui perdure !
Demandez-le aux meilleurs joueurs de chez nous; certains stagnent au même niveau depuis plusieurs années et beaucoup d’autres régressent continuellement avec le temps, ayant comme excuse le vieillissement.
Nous n’avons jamais eu en 40 ans de Maître National (MN) issu de la Ligue d’Échecs de l’Outaouais et Sébastien y serait le premier s’il arrive là.
Heureusement, lors des dernières années, quelques-uns de nos joueurs ont atteint le Niveau Expert. D’autres sont si près de ce but depuis fort longtemps, à peine une poignée de points de cette symbolique barre fixée à 2000, n’arrivent pas à la franchir mais finiront bien par y arriver. Leur ténacité devrait finir par payer et nous leur souhaitons de tout cœur d’y parvenir !
Je crois que quelques MN apparaîtront probablement en Outaouais dans les premières années de la nouvelle décade car une abondante bonne relève fait déjà des progrès incroyables dans cette direction et prendront fièrement le flambeau LÉO. Sébastien fait sûrement partie de ce groupe en étant déjà leur modèle !
QUESTION 3
Que comptes-tu faire pour être un digne champion LÉO ?
RÉPONSE
Je vais continuer de jouer régulièrement au CEH à compter de septembre. Je serai disponible pour les joueurs qui me demanderont d’analyser leur partie et je leur donnerai mon point de vue dans le but de les aider. Je suis aussi ouvert à faire des simultanées ou encore des exposés sur des thèmes spécifiques qui me sont chers, si je reçois des offres intéressantes selon ma disponibilité.
COMMENTAIRE
La ligue d’échecs de l’Outaouais aurait intérêt à mieux faire connaître son jeune champion. Peut-être que les médias traditionnels seraient une bonne opportunité.
Sébastien représente parfaitement le succès de la visée LÉO d’avoir beaucoup de jeunes joueurs sérieux lors de ses activités. C’est une vraie chance en or qui s’offre, il faut la saisir ! Un reportage dans le Journal Le Droit, le voir jouer quelques parties à la télé communautaire MAtv ou une entrevue radiophonique à la chaîne ICI Radio-Canada auraient un bel impact pour la promotion du jeu d’échecs chez nous. On est sur un bel élan, c’est de la publicité gratuite et c’est facile à organiser. Pourquoi pas tenter d’aller dans cette direction ?
QUESTION 4
Comment expliques-tu ton incroyable parcours jusqu’au titre suprême LÉO 2019 ?
RÉPONSE
À mesure que la saison avançait, j’obtenais de bons résultats contre les meilleurs joueurs dans plusieurs tournois. Cela ne m’a pas enflé la tête mais a tout de même augmenté ma confiance. Je n’étais plus intimidé par la cote de mes adversaires, j’avais confiance en mes moyens, travaillais toujours fort pour chacun de mes coups et utilisais de façon appropriée le temps au cadran.
J’ai été chanceux par mes performances des derniers tournois de hausser ma cote juste assez pour obtenir la huitième place encore disponible de la section Championnat.
Pour ce qui est du tournoi, j’ai été patient tout en jouant dans mes limites et selon mon style pas trop agressif mais solidement positionnel. J’ai évité si possible de commettre des erreurs et profité largement de celles de mes adversaires.
Encore une fois, la chance était de mon côté, surtout en vertu du résultat de la dernière ronde. Ma seule défaite ne m’a pas trop fait mal malgré tout et je suis très fier d’être le nouveau Champion LÉO.
COMMENTAIRE
La période mi-saison CEH de septembre à Noël a été un temps d’apprentissage pour Sébastien qui lui a permis de se familiariser avec le fonctionnement de ce club d’échecs, d’apprendre à connaître des adversaires de différents niveaux, de s’y adapter et de préparer à faire jaillir à partir de janvier un immense talent en latence. C’est ce qui est arrivé jusqu’à son couronnement.
Pour ce qui est de la chance, il a un peu raison mais on fait un peu sa chance comme on dit !
QUESTION 5
Que dois-tu améliorer pour encore progresser ?
RÉPONSE
J’ai tout l’été pour étudier avec rigueur certaines ouvertures. Je m’intéresse en particulier à 1 d4… ou Pion Dame, tout en testant de solides défenses des Noirs pour la contrer de différentes façons.
J’essaierai de résoudre plusieurs problèmes d’échecs reliées à des savantes combinaisons pour aiguiser mes réflexes tactiques.
Je dois aussi améliorer ma vitesse de calcul qui me permettra d’éviter de fâcheuses pressions de temps, quelques fois en position désavantageuse, et qui provoquent généralement des erreurs et parfois même l’ultime erreur. Il faut corriger ses lacunes et c’en est une !
COMMENTAIRE
Il faut toujours essayer de s’améliorer et bravo à Sébastien qui ne dormira pas sur ses lauriers durant les vacances estivales.
Notre champion sera encore plus difficile à vaincre à partir de septembre et devrait connaître une saison LÉO 2019-2020 du tonnerre !
Bon règne champion !
Marcel Laurin,
Arbitre National FIDE
Entraîneur Senior FQE